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Du
Ve siècle au milieu du XIIe siècle : << Au début de cette longue période (fin IVe-début Ve siècle), l'organisation et les bâtiments de l'Église chrétienne, désormais attestée, nous font assister aux derniers développements connus de la ville antique. À l'autre extrémité de la période (fin XIIe début XIIIe siècle), nous commençons à soupçonner l'existence d'une petite agglomération concentrée autour des bâtiments cathédraux rénovés et agrandis. Entre-temps, l'extrême pauvreté des informations nous interdit, pour le moment, de comprendre comment s'effectue le passage de l'un à l'autre de ces paysages urbains dont les constructions religieuses constituent le seul élément commun. Pendant sept siècles, Fréjus n'est donc, le plus souvent, qu'un mot accolé à la titulature de quelques noms d'évêques. La question de la possibilité de l'interruption de l'agglomération, à un moment indéterminé, se pose donc. L'existence d'une Église chrétienne (mention de l'évêché dès 374) incite à placer une coupure aux abords du Ve siècle par pure commodité narrative, car le regroupement des siècles chrétiens au sein d'une unique description évite de tronquer l'étude des bâtiments ecclésiaux et la succession des évêques. Mais il faut souligner avec force que rien n'indique la réalité de cette coupure dans la ville antique. Sur le plan archéologique, des informations rares mais convergentes suggèrent la continuité dans l'évolution urbaine au Ve siècle et plus tard encore, en tenant compte d'une tendance à l'appauvrissement et à la contradiction des villes propres à tout l'Occident.
Cependant, on peut observer du changement dans certaines parties du paysage urbain. En plusieurs points, des réoccupations tardives attestent la continuité de la vie et de l'activité urbaines, mais correspondent à des réaménagements sans rapport avec la forme et la fonction des bâtiments antérieurs.
Changement ne signifie pas seulement ruine ou abandon de sites. Il s'agit aussi
d'un renouvellement du paysage urbain, au moins dans la partie centrale de la
ville antique, avec l'implantation du baptistère et d'une cathédrale
primitive. [...] Nous ignorons l'état des lieux dans ce secteur : espace vide ou, au contraire, destructions nécessaires d'ouvrages anciens. Le choix de cet emplacement fixait, au cur de la cité antique, le pôle essentiel de la vie chrétienne et préparait, pour beaucoup plus tard, à ses alentours, la restructuration de l'habitât médiéval et moderne.
Cette situation centrale des premiers bâtiments chrétiens laisse
supposer que, pour lors, la communauté chrétienne n'occupait pas
une position marginale, car elle avait du recevoir, pour ses constructions, les
appuis indispensables -autorisations et dons généreux- de l'élite
municipale et sociale. L'examen des Après le Ve siècle, et particulièrement entre le VIIe et le Xe siècle, nous trouvons un grand vide documentaire, à Fréjus comme ailleurs en Provence. Nous ne savons rien de la ville où nous signalé des aspects de ruralisation dans l'espace urbain ou à proximité. Peut-être les archéologues, attirés par le lustre de la ville romaine, ont-ils accordé, jusqu'à récemment, trop peu d'attention à l'Antiquité tardive et au Haut Moyen-Âge. Quelques vestiges, d'une rareté et d'un éparpillement extrêmes, ne contredisent pas l'idée du maintien d'une activité commerciale, religieuse et même artistique.
Ensuite, jusqu'au Xe siècle, c'est le vide (1). Cette interruption, commune à tous les diocèses provençaux, a, dans le cas de Fréjus, la particularité d'une précocité et d'une durée spéciales. Elle peut provenir d'une lacune documentaire pour des siècles où l'écrit se raréfiait et où les collections canoniques disparues nous privent des souscriptions conciliaires , importante source d'informations pour les Ve et VIe siècles. Enfin, il faut tenir compte des destructions opérées par les Sarrasins, en considérant celles-ci non comme un cataclysme fortuit, mais comme la conclusion d'une évolution de plusieurs siècles pendant lesquels l'espace urbain antique aurait été progressivement "mité" et imprégné par le rural. Au milieu de ce quasi-désert d'information, la charte du Comte Guillaume, concernant Riculphe, se dresse comme un bloc documentaire isolé, plus énigmatique qu'éclairant. Après trois siècles de silence, nous retrouvons Fréjus, en 990 peut-être, lorsque l'arlésien Riculphe, évêque de Fréjus (975-998), vint faire établir ou confirmer les droits et les possessions de son évêché, par Guillaume et Roubaud, les comtes libérateurs de la Provence (en 972 ?), dans deux plaids tenus à Manosque et à Arles [...] Nous apprenons alors :
Ce coin de voile, levé sur l'histoire de la ville à la fin du Xe siècle, retombe aussitôt. La charte ne nous permet pas de cerner plus précisément les pouvoirs de l'évêque et notamment ses droits seigneuriaux éventuels. Jusqu'après le milieu du XIIe siècle, nous devons nous contenter de bribes d'informations saisies au détour de quelques chartes des abbayes de Saint-Victor de Marseille, de Lérins ou de Montmajour. Elles concernent l'Église ou les grandes familles, et ne nous laissent rien apercevoir de la ville. Les préoccupations de la Trêve de Dieu, puis de la réforme du clergé, marquèrent les trois longs épiscopats de Gaucelme, de Bertrand (1044-1085) et de Béranger (...1091-1131...) [...]
En dehors de ces quelques linéaments de la vie religieuse et "politique",
il est impossible de préciser, avant la fin du XIIe siècle, ce que
devenait la ville. Les activités économiques restent insaisissables.
De rares indices glanés dans les Fréjus possédait un port aménagé, avec des pêcheries (charte de 990) et peut-être d'autres activités artisanales à proximité (fouilles au nord de la Porte Dorée de l'été 1986). Ce port était fréquenté au moins au XIIe siècle, par les Génois à qui, en 1138, les hommes de Fréjus offrirent la protection; à cette occasion, nous apprenons qu'il y avait des foires à Fréjus [...] Activité du port, présence des Génois, foires, blé, usage de la monnaie permettent de deviner des occupations commerciales qui, par ailleurs, nous échappent totalement. Nous ignorons également tout du paysage et de la topographie de ce qui se trouvait autour de la cathédrale et du port.
Cette urbanisation tardive, au moins dans les zones septentrionales voisines du groupe cathédral, incite P-A Février à émettre, très prudemment, l'hypothèse de la possibilité, avant le XIIe siècle, d'une structure d'habitat lâche, comportant des vides autour du groupe cathédral qui n'avait pas encore son aspect actuel [...] Le paysage "urbain" aurait donc été, pour lors, très différent de ce que devint plus tard, à partir de la fin du XIIe siècle, la ville de Fréjus agglomérée autour de la cathédrale; et très différent de l'espace urbain antique que la campagne avait peut-être progressivement dilué, avant même les destructions sarrasines. On ne sait rien des institutions de cette "ville" et de ses habitants. Nous ne sommes pas assurés, avant 1176-1177, de la possession de certains droits de justice par l'évêque. Notons qu'en 1138, l'acte de protection des marchands de Gênes fut passé par les hommes de Fréjus . C'est le signe d'une conscience collective, sinon d'une organisation municipale, qui n'est pas inhabituel dans le deuxième quart du XIIe siècle où l'on apprend, un peu partout en Provence, l'existence d'un mouvement communal. À la fin du XIIe siècle (1190 et 1204), ce furent les évêques - et non les hommes de Fréjus -, qui conclurent de semblables actes avec Gênes.
On peut, provisoirement, énumérer les caractères suivants d'une interruption de la ville de Fréjus, pendant le Haut Moyen-Âge. Chronologiquement, elle est difficile à préciser. La lacune dans la succession des évêques connus rend sensible l'existence d'un vide à partir du milieu du VIIe siècle. Inversement, les indices archéologiques (très rares) incitent à prolonger bien au-delà, jusqu'au IXe siècle, les manifestations d'activité urbaine. On est donc tenté de rapprocher cette interruption des incursions des Sarrasins. Mais il faut être prudent, d'une part parce que tout cet épisode donne matière à l'exagération et à la légende, et d'autre part parce que nous majorons peut-être trop le seul "événement" connu dans toute cette période. La difficulté - et l'intérêt -, de ce problème chronologique s'estompent si l'on n'envisage plus uniquement cette interruption urbaine sous la forme d'un accident ponctuel violent. Les fouilles pratiquées au nord de la cathédrale permettent d'imaginer cette interruption plutôt comme l'aboutissement d'une longue transformation de l'espace urbain antique, suivie d'une recréation qui n'a peut-être pas les formes de l'habitat du XIIe siècle. En tous cas, cette interruption n'affecte pas l'existence des grandes fonctions urbaines de création antique que nous retrouvons aux Xe et XIIe siècles, après des éclipses possibles pendant le Haut Moyen-Âge, à savoir :
Nous voyons reparaître toutes ces fonctions dans la deuxième partie du XIIe siècle, sous l'épiscopat de Frédol d'Anduse (1166-1197). Celui-ci, tout nouvel évêque, se trouvait à Aix avant la fin de l'année 1166 et y accueillit le roi d'Aragon, Ildefonse, qui venait réclamer l'héritage de Raimond-Bérenger III, mort devant Nice (fin août 1166). Cette rencontre entre l'évêque de Fréjus et le futur maître du pays est symbolique du devenir de la ville dans le siècle à venir. >> (2) (1)
- Voir néanmoins "Moyen âge/Évêques de Fréjus"
qui propose une liste assez complète. |
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